Письмо Guyot-Prieu


«Département de la Marne. Arrondissement d'Epernay. Ville de Fère-Champenoise.
Le 27 Février 1896.
A Monsieur le Général Baron de Frédéricksz, Agent Militaire de Russie.

Monsieur le Général,

En réponse à Votre lettre du 22 Février courant, j'ai l'honneur de Vous faire connaître qu'il n'existe pas de monument commémoratif aux combats de la Fère-Champenoise, soit sur le champ même de bataille, soit dans les communes voisines.

J'ignorai l'existence d'un monument funéraire sur le lieu de sépulture de M. le Lieutenant Schépéleff, mais les indications contenues dans Votre lettre m'ont permis de faire des recherches, qui viennent d'aboutir, et dont je m'empresse de Vous communiquer le résultat.

II existe à Connantray (village situé à six kilomètres à l'ouest de Fère-Champenoise), sur l'ancien cimetière, près de l'église, une simple dalle de pierre, sans inscription, connue par les habitants comme marquant le lieu de sépulture d'un officier Russe, tué en 1814.

Mon collègue de Connantray a bien voulu m'envoyer la copie que Vous trouverez ci-jointe d'un acte dressé le 25 Mars 1814, constatant le décès de Mr «Alexandre Chapelle», âgé d'en­ viron 27 ans, Lieutenant de la Garde Impériale Russe, mort de ses blessures 1).

Il paraît évident qu'il y a eu erreur de nom dans cet acte. «Chapelle» est un nom absolu­ ment français que l'on n'a pu obtenir qu'en estro­ piant plus ou moins le mot russe prononcé ou écrit soit par le blessé, soit par ceux qui l'accom­ pagnaient.

Voici quelques autres renseignements que mon collègue m'a fournis, tant d'après ses souvenirs personnels que d'après les récits qui se sont transmis dans les familles, depuis 1814.

L'officier blessé sur le champ de bataille a été ramené à Connantray, dans la maison du nommé Martel, maréchal-ferrant, où il est mort.

La cérémonie d'inhumation a été faite par un aumônier russe, en présence du curé de Con­ nantray.

Il y a plus de cinquante ans (c'était approxi­ mativement de 1838 à 1840), trois dames rus­ ses, parentes d'un officier russe, tué à la bataille de Fère-Champenoise, sont venues de Paris, pour faire des recherches relativement à ce parent. A Fère-Champenoise un postillon, nommé André, leur ayant appris qu'un officier russe était inhumé à Connantray, elles sont allées prier sur sa tombe.

«Je vois encore», me dit mon collègue, «la mère et ses deux filles à genoux sur la pierre. La mère a fait casser un morceau de la pierre recouverte de mousse et l'a enroulé dans son mouchoir de poche blanc.

«Monsieur de Connantray (propriétaire du château de ce nom), se trouvant présent, a in­ vité ces dames à aller au château, mais elles ont poliment refusé».

Quelques années avant la guerre de 1870, un parent de cet officier est resté une huitaine au château de Connantray et a remis une petite somme au curé; il a promis d'envoyer de l'ar­ gent pour faire placer dans l'église une inscription rappelant le souvenir du défunt, ce qui n'a pas été fait.

D'un autre côté, le facteur rural Emile Lheu- reux me communique les détails suivants qu'il tient des habitants de Connantray, notamment d'une veuve Rover actuellement âgée de 90 ans.

«Le lieutenant russe a été blessé entre le vil­ lage de Connantray et la ferme de Nozet située sur le même territoire. Les trois dames russes venues en 1838 ont fait célébrer un service à l'église de Connantray. Le neveu du Lieutenant 1), venu un an avant la guerre de 1870, avait de­ mandé la concession à perpétuité du terrain re­ couvert de la pierre funéraire, ce qui n'a pu lui être accordé, l'ancien cimetière étant supprimé.

«La commune a offert de transporter les restes dans le nouveau cimetière, -— mais ce parent a déclaré que c'était un sacrilège en Russie de toucher aux restes des morts. Malgré la suppres­ sion du cimetière la sépulture dont il s'agit a été respectée et la pierre subsiste toujours».

La photographie de la dalle nue qui constitue tout le monument funéraire, présenterait peu d'intérêt. Cependant je me chargerai volontiers de la faire exécuter, si Vous le désirez.

Quant au champ de bataille ce n'est pas une photographie, mais une carte qu'il faut pour l'embrasser dans son ensemble. De Sommesous où commença la bataille par l'attaque de l'armée alliée contre les corps de Marmont et de Mortier, à Fèrc-Champcnoisc la distance est de 16 kilo­ mètres; il y a encore 8 kilomètres de Fère- Champenoise à Bannes où la journée du 25 Mars se termina par l'écrasement des divisions Pacthod et Amey.

Je me tiens à Votre disposition, Monsieur le Général, et je serai heureux de recueillir, pour Vous les transmettre, tous autres renseignements que Vous pourriez désirer.

Malgré les souffrances que l'invasion de 1814 a causées à nos pères, les populations Champe­noises partagent les sentiments de la France en­ tière envers la Nation Russe. Russes et Français dorment côte à côte depuis un siècle sur bien des champs de bataille; et aujourd'hui leurs fils réconciliés, unis par une solide amitié, honorent partout d'un même culte, sans distinction de nationalité, les morts glorieux dont ils ont la, garde.

Veuillez agréer, mon Général, l'assurance de mes sentiments les plus respectueux.

Guyot-Prieu.

1) Extrait des registres de l'état civil de la commune de Connantray, pour l'année 1814.— L'an mil huit cent quatorze, le vingt-cinquième jour du mois de Mars, à sept heures du soir—par devant nous, Marc Hilaire, Maire de la commune de Connantray, Département de la Marne, canton de la municipalité de Fère-Champenoise — sont com­ parus Monsieur Boyer de Cauzel, âgé de soixante-treize ans, desservant la commune de Connantray, Nicolas-Marc Laurin, âgé de quarante-neuf ans, adjoint au maire de ladite commune, lesquels nous ont déclaré que le sieur Alexandre Chapelle, âgé de vingt -sept ans environ, Lieu­ tenant de la Garde Impériale de Russie, est mort de ses blessures ledit jour vingt-cinq Mars, et ont, les déclarants, signé avec nous le présent acte, après que lecture leur en a été faite. Ont signé: Boyer de Cauzel, Laurin et Marc Hilaire Colin.

Перевод на русский можно прочитать здесь.

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Генеалогическое дерево Шепелевых / Александр Иванович /
Письмо
Guyot-Prieu генералу Барону де Фредерикс